Les autres réflexions d’Hitler
(Texte publié dans le New York Times
à l’occasion de la nouvelle traduction anglaise de 2003)
Fin juin, début juillet 1928, Hitler exigea une suite à Mein Kampf. Max Amann, directeur de la maison d’édition du Parti nazi, ne permit jamais au projet de voir le jour.
Les élections de 1928 venaient d’avoir lieu et les nazis avaient lamentablement échoué. Une des causes, selon Hitler, était sa politique sur le Sud-Tyrol, qui fut cédé par l’Autriche à l’Italie par les traités de paix de la Première Guerre mondiale. Hitler, espérant faire une alliance avec Mussolini, était prêt à laisser le territoire et ses natifs germaniques au pouvoir italien, ce qui irrita l’extrême droite allemande.
Hitler souhaitait expliquer sa politique étrangère sur le Sud-Tyrol et les États-Unis, mais Le Second Livre de Hitler, comme il fut appelé par la suite, ne fut jamais publié de son vivant. Une des théories avance que le second tome de Mein Kampf, publié en 1927, se vendait mal et qu’Amann aurait ainsi persuadé Hitler que sortir un nouveau livre réduirait d’autant les ventes du premier.
Ce livre est connu des spécialistes et historiens de l’Allemagne nazie. L’historien Ian Kershaw, par exemple, fait référence au texte allemand dans sa biographie de Hitler. Il reste cependant largement ignoré, notamment parce qu’il était en grande partie inaccessible au monde anglophone.
Pourtant, en ce mois d’octobre, Enigma Books, un petit média spécialisé dans l’histoire européenne moderne, s’apprête à publier une nouvelle traduction en anglais, intitulée Le Second Livre de Hitler : la suite inédite de Mein Kampf. La traductrice s’appelle Krista Smith, l’éditeur Gerhard L. Weinberg ; un professeur émérite d’histoire du XXe siècle à l’université de Chapel Hill en Caroline du Nord. Il est également l’auteur de l’introduction et des annotations du livre. Celui-ci reprend amplement les obsessions familières de Hitler sur les politiques raciales et la nécessité pour l’Allemagne d’obtenir des territoires supplémentaires, son espace vital. « Les nouveautés », d’après un entretien téléphonique avec M. Weinberg depuis Chapel Hill, « ce sont les explications plus détaillées que celles de « Mein Kampf » sur la place d’une alliance avec l’Italie et les raisons pour lesquelles les ambitions allemandes d’expansion à long terme nécessitent une guerre avec les États-Unis. »
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Le Second Livre, selon M. Weinberg, expose les raisons qui ont poussé Hitler en 1937 à ordonner le développement des bombardiers intercontinentaux et des grands cuirassés pour une guerre plus importante contre les États-Unis. Le Congrès adoptait à l’époque les lois sur la neutralité.
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Dans Le Second Livre, Hitler fait l’éloge des politiques restrictives d’immigration des États-Unis. « Comparé au Vieux Continent, qui versa une quantité inépuisable de son meilleur sang par la guerre et l’émigration, la nation américaine se présente comme un peuple jeune et racialement trié » écrivit-il.
« En subordonnant la capacité d’un immigré à fouler le sol américain à des critères raciaux d’une part, et à un certain niveau individuel d’aptitude physique d’autre part, la saignée de l’Europe, celle de ses meilleurs hommes, s’est trouvée contrôlée d’une manière pratiquement législative » continua Hitler. Il parlait de la loi Johnson-Reed de 1924, qui resserra les quotas d’immigration.
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« Contrairement à « Mein Kampf », que Hitler publia, ce second livre donne un aperçu des réflexions non censurées d’Hitler », selon [M. Weinberg].
Dinitia Smith, 17 juin 2003