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LA CRISE DES MASQUES

J’ai beaucoup réfléchi ces derniers jours, je n’arrêtais pas de ressasser ce masque dans ma tête, tout ce qui se passe autour de nous depuis quelques temps, je n’en dormais plus de la nuit, je me rendais malade de tout ça, je triturais mon mal dans tous les sens, je le bichonnais dans ma chair, je remuais le couteau, d’avant en arrière, de gauche à droite, tout en me retournant cent fois dans mon lit. Et je sombrais dans un cercle vicieux. Je me sentais mal et je ne savais même plus pourquoi, ni d’où ça venait. Quand, tout d’un coup, sans crier gare, j’ai compris, et quelque chose a ri très fort en moi-même : ce n’était donc que ça !!!

En fait, le « problème » de la « crise » nationale et sa « solution » sont très simples ! C’est si bête et si près de nous que nous ne le voyons même plus, comme le masque au milieu de la figure : ce n’est qu’une épidémie de peur qui nous affecte, ni plus ni moins. Observons-nous tous : nous sommes tous bouffis de frousse, farcis de trouilles, pétris de peurs de toute farine !

Je me suis arrêté deux secondes en revenant chez moi l’autre jour, et, comme dit Bernard Dimey, en « descendant au fond de moi-même, à pas lents, dans le noir et sans faire de bruit », je me suis posé naïvement la question : Pourquoi est-ce que je porte ce fichu masque ? La réponse a jailli en moi, claire comme de l’eau de roche : j’ai peur. Alors je me suis demandé : de quoi ai-je peur ? D’être malade ? Non, je ne peux pas avoir peur de devenir malade, puisque je suis déjà malade de trouille. Ai-je donc peur de rendre les autres malades ? Non, puisque je vois dans leurs yeux à tous, à mes collègues, à mes élèves, aux commerçants, qu’ils se sentent aussi mal que moi, et que tout ça les rend malades. Ils étaient donc déjà malades eux aussi. Mais alors si nous sommes tous déjà malades, quel est notre mal ? C’est évident : la peur même. Nous sommes tous malades de peur, et ce masque n’est évidemment pas un bouclier, ce n’est qu’un signe pudique et poli de notre mal commun : la peur ! Cette peur est devenue si forte, elle a pris racines depuis si longtemps en nous que nous ne nous en rendons même plus compte, et nous acceptons doucement de nous laisser voler nos visages par l’Etat. Mais soyons attentifs à ceci : l’Etat n’est un Léviathan si fort que parce qu’il se vampirise de toutes nos petites peurs.

Alors, j’ai voulu mieux comprendre tout ça, j’ai forcé avec ma caboche, tout mon être s’est entêté, empêtré dans ses questions : peur de quoi ? Peur de qui ? Peur pourquoi ? Mais aucune vraie réponse ne venait. Rien n’y faisait écho, rien d’autre que cette vérité nue : ma chair nouée de part en part. Alors cette vérité simple a rejailli de plus belle, elle m’a éclaboussé la figure : j’ai juste peur. Point. La peur, c’est de l’émotion à l’état brut, elle n’a aucun sens. Et quand j’ai compris ça, j’ai fait taire ma tête, j’ai fermé les yeux, et j’ai senti que la peur s’estompait peu à peu, que tout se dénouait doucement. Et je me suis senti si bien, si bien : j’éprouvais une étrange forme de volupté, comme au sortir d’une longue fièvre, après une bonne et profonde nuit de sommeil. Et j’ai compris que moins j’y résistais avec mes questions, plus je m’en libérais.

Il faut bien prêter attention à ceci : ce n’est pas parce que la peur a une origine qu’elle a un sens. La peur n’a aucun sens ! Le vertige naît bien de ma contemplation du vide, pourtant il n’a aucun sens, il ne se nourrit que des tensions musculaires que mon corps accumule, parce que je lui fais revivre des situations où il est déjà tombé, alors même que je ne tombe pas.

En fait, il ne faut pas chercher fondamentalement à expliquer la peur, ou plutôt il ne faut pas être la dupe de ses origines, et surtout il ne faut pas se l’approprier, en faire sa peur, à soi, la peur de son petit ego, la cajoler et s’en battre la coulpe. Car c’est tout simplement faux : la peur, comme la bêtise, n’appartient à personne, elle peut toucher n’importe qui, n’importe quand. Les plus grands penseurs ont dit des « bêtises » plus grosses que leurs têtes, les hommes les plus courageux du monde, les grands boxeurs, ont ressenti la peur en eux. Ils ont juste travaillé pour la faire taire.

Par exemple, j’étais pétrifié à l’idée de devoir vous dire ça, de prendre la parole, de passer pour un idiot ou de choquer. Alors j’ai réfléchi deux secondes : Pourquoi ? C’est tellement bête au fond, comme si j’étais si important que ça. J’ai eu tant peur de montrer mes peurs, que toute peur s’est soudain effondrée. Toute cette peur, c’est tellement ridicule quand on y pense.

Merci de votre attention, et bonne journée !

Pierre Lesergent, professeur de philosophie

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