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Entretien de Rivarol avec Carmen Daudet : l’école à la maison comme moyen de résistance au système

Mère de deux enfants, Carmen Daudet a pratiqué elle-même l’école à la maison. Elle livre le fruit de cette expérience dans un petit manuel très pratique pour découvrir cette alternative aux dérives de l’Education Nationale…

RIVAROL : L’éducation à la maison est devenue un véritable phénomène de société. Quelles sont les raisons de cette fuite de l’éducation nationale ?

Carmen DAUDET : Même s’il faut relativiser ce phénomène qui reste très marginal, on peut constater en effet une augmentation du taux de déscolarisation associée à un mode d’instruction à domicile. Cela peut s’expliquer par la faillite du système éducatif français, qu’ aucun sondage jusqu’à ce jour n’a démentie. L’Éducation Publique tend à niveler les enseignements et attentes par le bas, ce qui inévitablement nourrit un courant de fuite de l’Éducation Nationale, vers l’éducation privée ou à domicile.

Le “mammouth”, après avoir été dégraissé, est maintenant désossé : le nombre d’enfants à “intégrer” ne cesse de croître et les classes en sous-effectifs sont systématiquement fermées. Les enseignants, à qui l’ on demande toujours plus, avec toujours moins de moyens (formation lacunaire, dislocation progressive du système d’aide aux élèves en difficultés, classes à 33 même en petite section de maternelle, etc.), font le grand écart à longueur de journée entre élèves handicapés, autistes, allophones, “troublés” (dyslexiques, dysphasiques, dysorthographies, etc.), et délinquants en herbe, si bien que de plus en plus d’enfants décrochent et arrivent au collège sans savoir ni lire ni écrire — les professeurs, eux, font des dépressions, et parfois se suicident.

R. : Quel est le profil des familles qui font ce choix ? Pensez-vous que tout le monde soit dans la capacité de le faire ?

C. D. : Certaines familles déscolarisent leur enfant car elles estiment que l’école ne répond pas à ses besoins, le mettant en échec et en souffrance — c’est notamment le cas de parents d’enfants handicapés ou “dys” — mais il peut s’agir aussi de familles « de souche » dont l’école de secteur est peuplée d’élèves issus de l’ immigration, où la principale tâche de l’ enseignant consiste en l’ apprentissage des rudiments de la langue française… D’ autres familles enfin fuient la propagande idéologique véhiculée par l’ Éducation Nationale — particulièrement mise en lumière lors du programme de destruction massive des « stéréotypes de genres » intitulé ABCD de l’égalité, initié en 2013.

R. : Quels sont les premiers conseils que vous donneriez pour réussir ce projet ? L’éducation à la maison impliquet-elle des sacrifices ?

C. D. : Choisir d’instruire son enfant à la maison implique des sacrifices, le plus lourd étant l’ impact financier du renon cement à une partie ou à la totalité du salaire de l’un des parents… Mais cet effort est largement récompensé par le temps passé auprès de son enfant, gage d’une relation de qualité, de bien-être et de progrès indéniables. Ainsi, pour réussir l’instruction en famille, il faut être prêt à revoir sa façon de consommer ; d’ autre part, les parents qui choisissent d’ assumer cette lourde responsabilité doivent impérativement se former à la pédagogie, et à la psychologie infantile. Il est à la portée de tous d’investir dans quelques manuels relatifs à l’âge de son enfant, et d’adapter à son propre foyer les conseils dispensés par les professionnels de l’ enfance.

R. : Quels sont les bénéfices pour l’ enfant de ce modèle éducatif ?

C. D. : L’ amour et l’ attention que l’ enfant reçoit au sein du foyer lui permettent de grandir et d’ apprendre en prenant confiance en lui, et en affirmant sa personnalité, son individualité. À l’ école, il n’ est que le membre d’ un groupe, un élève parmi d’ autres, à peine différencié. Il enchaîne des activités qui ne respectent pas toujours ses besoins, à la fois physiologiques et cognitifs. À la maison, au contraire, il apprend à son rythme, et progresse souvent plus vite, car il explore les savoirs en suivant le calendrier de ses envies et centres d’intérêt ; s’il a des besoins spécifiques, ses parents lui proposent à la maison des modes d’apprentissage alternatifs, impossible à mettre en pratique au sein d’une classe traditionnelle. Enfin, les parents d’ enfants non-scolarisés ne sont pas astreints au calendrier vaccinal ultra-précoce imposé par le ministère de la Santé, ce qui est un bénéfice supplémentaire pour l’ enfant, dont les défenses immunitaires ne seront pas agressées prématurément.

R. : Comment concevoir un contenu pédagogique à la maison ?

C. D. : Les parents ne peuvent pas s’improviser pédagogues ; leur enfant doit se voir proposer des activités et lectures qui soient à sa portée, c’ est-à-dire attirants pour lui, riches, mais pas au delà de ses capacités. Il faut cibler une ou deux compétences à la fois, pas plus. C’est pourquoi je leur conseille de s’appuyer sur des ouvrages de didactique et de psychologie, et de consulter un grand nombre de manuels, afin de choisir ceux qui leur conviennent le mieux. En s’ appuyant sur ces documents, ils ne renoncent pas pour autant à leur liberté de conscience, et peuvent adapter les contenus et modes de transmission à leur propre sensibilité, mais ils ont ainsi la possibilité de s’appuyer sur des références solides — qui leur seront d’ailleurs demandées lors des contrôles annuels de l’ Inspection de l’ Education nationale. C’ est dans cette optique que j’ai rédigé mon guide, qui offre aux parents des exemples précis de contenus pédagogiques élaborés pour des enfants de maternelle.

R. : Que pensez-vous des différentes autres voies éducatives alternatives (des écoles traditionnelles aux écoles alternatives fondées sur les principes Freinet ou Montessori) ?

C. D. : Je ne peux malheureusement pas m’ exprimer sur les écoles traditionnelles que vous évoquez car je n’en connais pas ; en revanche, je connais assez bien les systèmes éducatifs conçus par Maria Montessori ou Célestin Freinet. Ils ont le mérite d’avoir cherché à adapter la pédagogie aux besoins et envies de l’enfant, dans le but d’obtenir des élèves ACTIFS. Certaines solutions apportées par ce courant dit de l’éducation nouvelle sont tout à fait pertinentes : l’ importance de l’ exploration sensorielle, la possibilité de répéter une action aussi souvent que nécessaire (Montessori), la réhabilitation du tâtonnement et de l’ expérimentation comme processus d’apprentissage, la contextualisation des activités au sein d’un projet de classe de type journal scolaire (Freinet)… Cependant, comme tout système, ces pédagogies ont leurs limites, car elles ne sont pas adaptées à tous les enfants, ni à tous les âges. Certains élèves ont besoin d’un cadre extrêmement précis, et peuvent se sentir mal à l’aise dans ce genre de structures où l’ autonomie et l’ autogestion sont reines.

D’autre part, comme dans n’importe quelle école, les parents sont tributaires de la bienveillance plus ou moins affirmée de l’enseignant sur lequel “tombe” leur enfant. La classe est un lieu clos, presque hermétique, à l’abri du contrôle parental… l’accepter revient à renoncer à notre rôle d’éducateurs premiers.

R. : Comment l’Etat réagit par rapport à cette défiance envers son système éducatif ? Observez-vous un durcissement du contrôle de l’éducation à la maison ?

C. D. : C’est un fait : le gouvernement souhaite donner la priorité à la scolarisation ; à l’heure actuelle, l’école n’est pas obligatoire, c’ est l’ instruction qui l’ est. L’ État cherche à reprendre la main sur ces quelques familles qui échappent à son contrôle, en faisant passer pour terroristes les parents faisant le choix de l’instruction à la maison. La loi dite pour l’école de la confiance va en ce sens, en rendant l’instruction obligatoire dès 3 ans : les parents n’ont plus la possibilité, comme cela se faisait jusqu’ à présent en maternelle, de scolariser leur enfant uniquement les matinées. En effet, les petits élèves doivent désormais impérativement faire la sieste à l’école, et participer aux activités de l’après-midi, ce qui est tout à fait contraire au bien-être de l’enfant ! De même, les parents désireux de ne pas scolariser leur enfant de 3, 4 ou 5 ans devront désormais en informer la mairie et l’Inspection, et subir un contrôle annuel qui établira si oui ou non l’enfant a acquis les compétences définies par les programmes. Il sera demandé aux parents toujours plus de justifications concernant leur choix, et il ne serait pas étonnant que d’ ici quelques années les Inspecteurs de l’Éducation Nationale se voient octroyer le pouvoir d’ accorder ou non le droit à l'instruction en famille, cela n’ est-il pas effrayant, totalitaire?

R. : Quel message voudriez-vous transmettre aux parents lecteurs de RIVAROL ?

C. D. : Je les encouragerais à s’interroger sur ce qui fonde leur confiance en l’ école, et qui leur permet d’y déposer leur enfant, l’esprit serein, tous les matins, avant d’ aller travailler. C’ est un pari risqué, car rien, en vérité, ne justifie un tel renoncement à notre devoir de parents qui est d’ instruire, d’ éduquer nos petits et d’en prendre soin. Aucun adulte ne peut accomplir cette sublime mission aussi bien qu’un père et une mère.

Partant de là, notre sens des responsabilités nous indique le chemin, qui, même s’ il est semé d’ embûches, est le seul acceptable pour le bien nos enfants. Je leur souhaiterais, enfin, force et courage.

R. : Merci encore pour vos réponses.

C. D. : Merci à vous de m’avoir ouvert vos pages, j’ ai beaucoup d’ estime pour votre travail.

Propos recueillis par Monika BERCHVOK pour Rivarol dans son numéro du 23/10/2019 (n°3396)

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A lire : Carmen Daudet, J’apprends mieux à la maison, Editions Kontre Kulture, 186 pages, 14,50 euros. Disponible sur www. kontrekulture.com.

5 commentaires sur “Entretien de Rivarol avec Carmen Daudet : l’école à la maison comme moyen de résistance au système

paul newheart dit :

J`avais oublie un detail ; tous mes enfants ont reussi leur bac …avec mention. Mon epouse qui passait tout son temps a leur enseignement ,et moi qui enseignait quelques matieres ,prenions les efants en cours quand ils etaient en forme .Si par exemple l`un d`entre eux devait faire une petite sieste pour recuperer ou aller prendre l`air ,ils etaient libres de le faire . C`est l`avantage de l`ecole a la maison ; pouvoir les enseigner quand ils sont en pleine forme physique et mental .

Lionel Bellec dit :

Ayant fait 6ème 4è 3è 2nde par correspondance (cause expatriation) et mon frère 6è, 5è et 1ère, et étant devenus kiné et médecin quand même, je ne comprend pas pourquoi cet enseignement à distance n’est pas accessible à tous.

paul newheart dit :

Bonjour . J`ai 71 ans et mon epouse 62 . Nous avons eu 8 enfants et ils ont tous ete scolarises a la maison [dans notre camping car] en France car nous avons voyage toute notre vie .Nous devions simplement chaque annee en septembre,en tant que musiciens itinerants [spectacles dans les hopitaux et maisons de retraite etc…] ,demander une autorisation a l`inspecteur d`academie ou nous nous trouvions .Tous nos enfants sont nes dans des villes differentes,du nord au sud de la France et nous ne regrettons absolument pas ce choix ,.. choix de vie qui etait la notre a cette epoque ]. Nos enfants ,le dernier ayant 21 ans, sont equilibres et tout a fait sociables avec les autres . Nous avons des liens familiaux tres,tres forts entre nous bien que la moitie d`entre eux vivent aux quatre coins du monde maintenant.Nous nous reunissons souvent et sommes heureux d`avoir vecu cette experience unique qui a forge des caracteres responsables et forts .

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