L’auteur de ces lignes n’a lu de Renaud Camus que ses tweets, et il a hésité quelques minutes chez un bouquiniste devant son Répertoire des délicatesses du français contemporain avant de se raviser. Il n’est sans doute pas le seul. Il y a déjà trop à lire et l’œuvre de ce Camus occuperait plusieurs étages de la plupart des étagères. Le temps dira s’il mérite lui aussi une place dans l’histoire de la littérature. Nous le lirons un jour, promis. Il peut en tout cas se targuer d’avoir introduit dans le français contemporain l’expression « Grand Remplacement », commentée à l’infini depuis une quinzaine d’années.
C’est par une discussion de cette notion et de ses limites que Jean-Michel Vernochet entame son essai L’imposture, sous-titré La décomposition planifiée de l’État souverain. Camus pointe du doigt le symptôme qu’est l’invasion migratoire, sans jamais s’attaquer à ses causes. S’il insiste sur la véracité de ce Grand Remplacement dans les premières pages, Vernochet propose de l’expliquer par autre chose que la seule volonté de puissance des peuples du Sud, d’où le sous-titre de son ouvrage.
Un État souverain, en effet, maîtrise ses frontières. Il n’est pas par nature dans son intérêt d’encourager la libre circulation des biens et des personnes. Or celle-ci a lieu et est encouragée, et les gouvernements nationaux se font l’écho de directives qui sortent de son champ : il est naturellement bon d’accueillir l’Autre ; nos sociétés ne sont après tout que des contrats ; la situation économique exige l’apport massif de travailleurs, d’où qu’ils viennent. Mettant en parallèle la légalisation de l’avortement (1975) et l’adoption de la politique du regroupement familial (1976) pendant la présidence de Valérie Giscard d’Estaing, Vernochet remarque que les nombres respectifs des entrants et de ceux qui n’ont jamais pu sortir se recoupent plus ou moins. Il y a peut-être une logique derrière cela, mais en attendant la publication des Protocoles des Sages d’al-Azhar, le rasoir d’Occam suggère de l’attribuer en priorité à VGE et à ce qu’il cache.
Macron n’est dans cette perspective que le représentant actuel d’un courant qui le précède de loin, et qui a fini par prendre officiellement le pouvoir après l’avoir téléguidé pendant des décennies. La Banque, assistée des juges et des médias, a créé un univers mental où le caractère inévitable de la compétition économique se double d’une empathie que nul ne saurait contester pour tout ce qui vient d’ailleurs. Deux injonctions contradictoires à terme dans un monde fini mais martelées par les Sachants jusqu’à ce que les Sans Dents les intègrent.
Apparemment la greffe n’est pas une réussite totale. Le mécontentement geint à défaut de gronder. « Ils » font de bons scores aux élections. « Eux » aussi. Dans la crainte qu’ils et eux se parlent un jour, il faut accélérer le processus, et voici Macron. La dernière partie de l’ouvrage de Vernochet est consacrée à la disparition du politique dont le Président et ses équipes sont l’acmé. Paradoxe d’un VRP présenté comme le Roi Soleil : si l’État c’est lui et qu’il n’est rien, que pouvons-nous en conclure sur l’État ?
L’imposture est un essai bien sourcé dont la thèse complète sans la nier celle de Renaud Camus. Seul écueil : Vernochet écrit dans les premières pages que « pointer du doigt les vrais coupables conduirait à admettre également notre propre part de responsabilité collective, voire une certaine complicité puisque nous acceptons le système en bloc et en détail ». Intuition salutaire mais qui ne trouve aucune suite dans l’ouvrage. Nos ennemis, quels qu’ils soient, sont très forts, mais pourquoi donc sommes-nous si dociles ? Pour y répondre, il faudrait sans doute faire un tour du côté de la psychologie évolutionnaire et de la sociobiologie, nous regarder en face et sans maquillage idéologique. Savoir qui nous sommes.
On comprendra que Vernochet prenne des pincettes et suggère sans développer : le gouvernement des juges qu’il décrit veille au grain.