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Docteur Eric & Mister Zemmour


Depuis quelques années, c’est LE polémiste chouchou des Français, celui dont on dit qu’il est « le seul » à oser proférer certaines « vérités qui dérangent ».

Du haut de ses enviables positions médiatiques (éditorialiste au Figaro, chroniqueur star sur CNews, intervenant régulier sur RTL), fort de ses succès de librairie tonitruants, Eric Zemmour s’apprête(rait) aujourd’hui à franchir un cran dans sa carrière en se présentant à l’élection présidentielle française de 2022.

J’ai longtemps été pour ma part une grande admiratrice de l’auteur de Destin français.
Sa connaissance abyssale de l’Histoire de France, sa faconde nourrie de références, ses bons mots et son franc-parler sans langue de bois (en général) me semblaient attirants, rafraîchissants et indispensables au débat politique tricolore. Je n’avais pas encore compris qu’un homme condamné par la justice pour incitation à la haine raciale qui continue à prospérer médiatiquement joue un double jeu. Qu’un homme (soi-disant) si subversif se fasse agresser dans la rue puis reçoive un appel de soutien du Président ne pouvait constituer un opposant politique bien sérieux.

La crise sanitaire aura également contribué à me dessiller à son sujet : qu’il ne dénonce pas la tyrannie sanitaire ni ne s’oppose à la vaccination obligatoire des soignants ou au passe « sanitaire » en disent en effet long sur le courage et l’honnêteté du journaliste de CNews, qui semble davantage se placer du côté du manche que du peuple.

Et puis, en ce torride mois d’août, il y eut ma lecture de L’Autre Zemmour de Youssef Hindi.
Publié dans une maison d’édition « sulfureuse » (tout comme son préfacier) (du moins selon la doxa), ce passionnant essai se heurte hélas à un silence médiatique absolu qui ne fait que renforcer son caractère pour le coup vraiment subversif, presque transgressif (car dire la vérité actuellement a quelque chose de révolutionnaire).

On ne peut que regretter que le grand public n’ait pas connaissance de cet ouvrage très sérieux, fort bien écrit, soigneusement sourcé et reflet d’un travail documentaire important de la part de son auteur. Chercheur autodidacte, à la fois historien, géopolitologue et spécialiste de l’histoire des religions (et notamment (sic) de « l’eschatologie messianique »), Youssef Hindi a publié de nombreux ouvrages très érudits notamment consacrés à l’Islam politique, au sionisme et au choc des civilisations. Il confie en avant-propos que ce texte sur les parts d’ombre Éric Zemmour était initialement une commande d’une grande maison d’édition parisienne … texte qui a enthousiasmé l’équipe, avant d’être refusé après la lecture du manuscrit par Eric Zemmour (et sans que Youssef Hindi n’ait été au courant).

Dans cet ouvrage à la construction très maîtrisée et efficace, via de courts chapitres thématiques, Youssef Hindi tente d’éclairer QUI est véritablement Éric Zemmour, qui se cache derrière son image publique et médiatique. Quel « autre » est tapi derrière son visage de « patriote » « souverainiste » ? D’où vient Éric Zemmour, quels sont ses réseaux, son arrière-plan idéologique, religieux, ses soutiens financiers ? Quel est son parcours familial, d’où vient-il et surtout : quel est le projet politique pour la France qui sourd de ces différents éléments mis bout à bout ? C’est à ces différentes questions que Youssef Hindi va s’atteler avec rigueur et brio, à travers une formidable démonstration et compilation qui n’est autre qu’un travail à la fois de chercheur et de journaliste d’investigation.

Et c’est un homme aux visages variés que nous allons rencontrer, entre Zemmour le « berbère », « l’algérien », « le juif de souche », « le tribaliste », « le Gaulois »… On y perd son latin. C’est que l’homme est un caméléon qui excelle dans l’art subtil de la « taqiyya » (qu’il reproche d’ailleurs sans cesse aux musulmans), à savoir la dissimulation : le visage privé est différent du visage public et la frontière doit rester étanche. Pour l’opinion publique et dans les médias, Zemmour apparaît comme (et se veut) un exemple d’immigré assimilé qui défend les valeurs nationales françaises et fustige la communauté musulmane, responsable pour lui de tous les maux hexagonaux. Il n’a de cesse de dénoncer l’islamisation galopante de la société qui gangrènerait notre pays. Youssef Hindi remet ici les pendules à l’heure dans son chapitre consacré à « Zemmour et l’islam » qui aborde l’épineuse question de l’Arabie Saoudite (dont il est souvent question dans cet ouvrage) et du wahhabisme, éléments sur lesquels étrangement Zemmour est silencieux (comme il l’est sur tous les sujets «sensibles » pouvant le démasquer).

L’un des grands mérites de cet essai est de remettre les éléments en perspective et d’aborder certaines questions sous différents angles, pays, acteurs et époques, en montrant que tout est lié par une même logique de domination oligarchique, d’écrasement et d’appauvrissement des peuples. Il est en effet autant question (entre autres) de Blackrock que de la création de la FED, de la Torah que du Coran, du Qatar que de terrorisme, d’Israël comme de l’Union Européenne, du FMI comme de Goldman Sachs, de judaïsme et de mai 68, et comme ces différents fils forment in fine une même pelote. Une chose est sûre, vous sortirez de ce texte avec quelques points de QI supplémentaires et la fierté de regarder la réalité en face (ce qui n’est pas rien), gardant bien en tête la maxime de René Char selon laquelle « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. »

Chaque argument est méticuleusement sourcé par une note de bas de page et le lecteur pourra ainsi constater que Youssef Hindi s’appuie bel et bien sur des éléments existants et purement factuels : bien malin qui pourra contrer ses preuves et l’on attend avec impatience que Zemmour et Hindi ferraillent à heure de grande écoute médiatique (puisque le premier prétend pouvoir débattre avec quiconque). Toutefois, point de ton vengeur ou agressif dans cet essai très professionnel. Tout juste Youssef Hindi s’autorise-t-il une touche de subjectivité quand il relève ironiquement les « étonnantes affinités discursives » entre BHL et Zemmour, qu’il place d’éloquents guillemets à « patriote » quand il parle de ce dernier ou se montre délicatement sarcastique. En vérité, à bien y regarder en toute honnêteté, aucune haine ou volonté de nuire à Zemmour, juste le choix de la vérité sourcée, de la juste réalité des choses, afin d’offrir au lecteur la part manquante du puzzle zemmourien. (qu’il se garde bien de livrer lui-même, brillant dans l’art de répondre sans répondre ou de botter en touche)

Fait essentiel, Zemmour se veut le chantre nostalgique d’une France à l’ancienne…qu’il n’a en fait jamais connue : il n’a par exemple jamais mis les pieds dans une école française mais a usé ses culottes courtes dans des établissements confessionnels juifs. Rien de répréhensible à cela mais on aimerait simplement de la cohérence dans son positionnement. De quoi ce silence, ce double jeu sont-ils donc le nom ? Youssef Hindi tente d’apporter des réponses à la fois historiques, religieuses, sociologiques à ces questions au fil de 243 pages passionnantes qui se dévorent comme un polar.

Le lecteur en aura pour son argent (17€) question révélations, quand il comprendra les relations plus que troubles qu’entretient l’UE avec l’Arabie Saoudite, dans quelle sombre atmosphère de secret s’est tenue la création de la FED, comment le débat intellectuel français est réduit à quelques voix communautaires impossibles à faire taire (BHL et Attali à gauche ; Finkielkraut, Élisabeth Lévy et Zemmour à droite) (pour ne citer qu’eux), comme cette même communauté a « fait » mai 68, ce qu’a dit Netanyahu après le 11 septembre, ou encore ce qu’il apparaît d’un certain terrorisme d’Etat quand on sait que Merah bossait pour les renseignements français..

Youssef Hindi n’hésite pas à jeter une lumière crue sur tout ce que nous pensions établi et qui soudain émerge sous un jour nouveau, permet de rebattre intelligemment les cartes du débat. Où l’on saisit aussi que l’Histoire qu’il nous raconte n’a en tous cas pas grand-chose à voir avec ce qu’on nous dit à l’école ou à la télévision… Ce qu’on pourrait appeler « l’état profond » apparaît comme un ténébreux cloaque où se fomentent les pires complots du monde, et nous le comprenons hélas à travers la prose du brillant (et courageux !) Youssef Hindi (pas étonnant qu’il ne soit invité nulle part : le prix à payer d’une Résistance digne de ce nom).

On comprend aussi dans cet excellent essai que le projet politique de Zemmour ne saurait être patriote ou souverainiste : prêtant à la France d’hallucinantes « racines juives », prêt à tous les parallèles les plus fallacieux, grotesques et capillotractés, se livrant à d’involontaires (ou non) contresens (ou omissions) historiques, l’éditorialiste du Figaro ne rêve en vérité que de faire de la France une deuxième Israël. Un état policier ultra sécuritaire et agressif cerné d’ennemis à abattre. Ça fait rêver, non ?

Impossible d’être exhaustive tant ce livre est riche de nombreuses informations capitales et éclairantes qui dressent un implacable, redoutable portrait, non seulement d’Éric Zemmour, mais de sa communauté et des puissances, réseaux, idéologies qui soutiennent sa (potentielle) candidature à l’Elysée.

À l’heure où un simple « Qui ? » sur une pancarte dans une manifestation vous vaut perquisition, garde à vue, mise à pied professionnelle, torrents de boue médiatiques et gémonies éternelles, la simple existence de cet essai est le signe d’un courage hors normes. Toute vérité (surtout sur certains !) ne semble pas bonne à dire au pays de « Charlie », pourtant longtemps cœur battant de l’irrévérence mondiale et de toutes les audaces. Youssef Hindi, qui se dit « prospectiviste » (il est l’un des rares à avoir prédit les Gilets jaunes bien avant l’heure) fait ici la démonstration qu’il est également un remarquable « iconoclaste » aux analyses rigoureuses et percutantes, à la plume fluide et efficace, dont le talent mérite une reconnaissance bien moins confidentielle.

Excellent.

Source : senscritique.com, 30/08/2021

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