Alain Soral est un polémiste trop connu pour que nous ayons besoin de le présenter à nos lecteurs. Il vient de publier aux Editions KontreKulture « Comprendre l’Epoque » une suite philosophique à son maître ouvrage « Comprendre l’Empire ». Il y explore les chemins de l’égalité, ses réalisations mais également ses impasses et ses mensonges.
Dans ce long entretien, l’auteur évoquera bien sûr ce qu’il présente comme son « autobiographie du concept » ; il parlera aussi de combat politique et de rapports de pouvoir, de race et de religion, du « grand reset » et du destin de la France.
Rivarol : Commençons par ce qui vise à vous faire taire : où en sont vos persécutions ?
Alain Soral : En plus des visibles et constants procès à la dix-septième,les persécutions les plus vicieuses en régime bourgeois sont certainement les persécutions fiscales. Le fisc est le premier bras armé de l’État, celui qui dispose des plus grands pouvoirs de police…
Sa vie durant, Jean-Marie Le Pen a été persécuté par le fisc, et plus particulièrement aux moments des élections ! Dans la continuité et dans la logique, Dieudonné et moi subissons les mêmes persécutions ! Et en plus de couter de l’argent, ces persécutions injustes demandent d’y consacrer beaucoup d’énergie et de temps, et c’est encore des frais de procédures, d’avocats… Le prix à payer malheureusement et le marqueur du sérieux de l’opposition politique. Mélenchon en a fait la brève expérience pour avoir voulu s’émanciper, un moment, de sa tutelle maçonnique et tenter une fugace aventure populiste. Pendant ce temps, les très gros comme l’ex président Sarkozy, pris dans l’affaire Bygmalion, s’en sortent finalement sans dommages…
R. : Et puis il y a l’hostilité et la mauvaise foi des médias…
A.S. : Aussi.On peut le vérifier avec la récente affaire Mia où, par amalgame, les opposants comme moi se sont vus qualifier de complices de rapts d’enfants ! J’y ai eu droit aujourd’hui même sur la 5 ! Et inutile de compter sur un quelconque droit de réponse, vestige des temps anciens. Une chutzpah médiatique, énorme et systématique, qui produit forcément sur l’être moral un effet de sidération et un sentiment d’abattement… c’est d’ailleurs sa fonction.
R. : Vous menez désormais une vie d’exilé à Lausanne…
A.S. : Jouissant de la double nationalité franco-suisse, au regard de la loi suisse, je ne suis ni un réfugié ni un résident comme monsieur Drahi, mais un Suisse dans son pays ! Détail très important au moment où divers services français font des pieds et des mains pour me convoquer à des fins d’interrogatoires… car la Suisse n’extrade pas ses ressortissants. Le dernier policier en date, pour tenter de me faire revenir, m’a même donné sa parole que je sortirai libre de son bureau ! Libre de son bureau peut-être, mais pas du bâtiment ! La dernière fois que j’ai mis les pieds en France, j’ai été arrêté dans la rue par 4 policiers pour atteinte à la sureté de l’État, excusez du peu ! Et après 48h de garde à vue, le parquet a demandé mon maintien en détention. C’est vraiment parce que Dupont-Moretti – avocat des pédophiles, des terroristes et des voyous – est particulièrement détesté par les juges du siège que ça n’a pas suivi ! Sinon je serais encore au trou. Je n’ai pas moins de 6 années de condamnations à de la prison plus ou moins ferme sur le dos. Le pauvre Hervé Ryssen n’a pas eu ma chance, je profite de cet aparté pour le saluer chaleureusement.
R. : Ce qui vous met assez loin de l’opposition contrôlée !
A.S. : Je remarque que tandis qu’on m’arrête, moi, pour des vidéos d’analyses politiques – analyses diffusées sur YouTube qui flirtaient souvent avec le million de vues et qui ont fini par me valoir mon bannissement de cette plateforme pour « non respects des valeurs de la communauté » sans qu’on sache très bien de quelles valeurs et de quelle communauté il s’agit, même si j’ai ma petite idée ! – tandis qu’on m’arrête pour atteinte à la sûreté de l’État, un Philippe de Villiers appelle ouvertement à l’insurrection en couverture de Valeurs Actuelles et le petit Branco nous sort un manuel du coup d’État épais comme le bottin, sans rencontrer ni l’un ni l’autre aucun problème ! C’est à ce genre de critère qu’on peut mesurer le niveau d’escroquerie de ces faux opposants ! Un deux poids, deux mesures qui devrait sauter aux yeux des analystes. Mais nous sommes dans une période d’effondrement du sens et de la morale qui n’est pas sans rappeler la fin du tsarisme ou de la république de Weimar. Une déliquescence qui est peut-être le prélude à des changements brutaux et un signe d’espoir ? Comme disait Hegel, la chouette de Minerve ne s’envole qu’au crépuscule, attendons…
R. : Pour l’heure, les peuples semblent efficacement tenus en esclavage et la «Révolte des nations » n’a pas trouvé son catalyseur…
A.S. : Dans mon livre “Comprendre l’empire” sous-titré ” demain la gouvernance globale ou la révolte des nations”, je posais cette alternative. Aujourd’hui, soit dix ans après, il semble que l’oligarchie a momentanément répondu à cette question par un troisième terme, soit, sous l’intitulé du « Grand reset », une démondialisation opérée par les mondialistes eux-mêmes, mais qui ne passe surtout pas par le retour à la souveraineté des nations… Tout fonctionne en effet comme si la crise sanitaire, tout comme le réchauffement climatique, permettait surtout de purger le Marché saturé. Soit les effets d’ordinaire dévolus aux guerres mondiales sans recourir à la guerre. Avec le recul et le sens de la synthèse, on peut dire que le Covid est la réponse du tout puissant Marché aux taux d’intérêts négatifs ! Avec l’ampleur de la casse économique opérée, il semble que les taux repassent au positif, on devrait logiquement déconfiner… Mais ce serait oublier le rôle que joue aussi le Covid sur le plan social et politique, avec l’enterrement des gilets jaunes et le sabotage de la réélection de Trump. A bien analyser, ses bénéfices économiques, politiques et sociaux vont très au-delà des simples profits du Big Pharma !
Autre remarque, tout le débat politico-économique de ces 40 dernières années tourne autour de l’abolition des frontières, synonyme de progrès. Or avec le Covid, l’oligarchie elle-même a rétabli les frontières, entravé la circulation des êtres et des marchandises (mais sans doute pas des capitaux qui ont valsé comme jamais !) Une variable d’ajustement à laquelle l’oligarchie avait toujours refusé de recourir, au nom de la sacro-sainte liberté du Marché ! Mais là, grâce au Covid, cette démondialisation n’est plus une décision économique, mais de l’ordre de la nécessité sanitaire. Selon Jacques Attali, souvenons-nous que nous devions désormais considérer les nations comme des hôtels, mais là, d’un coup, les Attali décident que les hôtels sont momentanément fermés !
R. : Pour autant, l’immigration de masse, y compris clandestine, ne fait que croître en Europe !
A.S. : Le migrant, lui, n’ayant pas vraiment d’identité légale sur le territoire européen, n’est pas concerné par ces mesures de police. Et même si, il a alors droit au statut de « réfugié climatique » ! Quand c’est nécessaire, le Carbone vient nuancer le Covid ! La démondialisation économique et sociale, habillée d’écologie décroissante, ne doit pas contrarier le plan Kalergi. Pour l’Européen ce sera passeport vaccinal Et métissage ! La surveillance renforcée, pour être acceptée durablement doit s’accompagner de l’abrutissement de masse. Et par le métissage, on crée des luttes horizontales entre immigrés et natifs dans un premier temps – c’est notoirement le rôle de Zemmour de l’activer au nom de la lutte contre l’Islam. Puis dans un second temps, la lutte est intériorisée, non plus à l’intérieur du corps social, mais à l’intérieur même du corps tout court, biologique. Et vous voilà par la naissance, à la fois noir et blanc, de souche et migrant, migrant dans votre propre corps, soit pour l’immense majorité un paumé, un violent, un dépressif… Voilà pourquoi l’idéologie dominante fait une telle apologie du métissage, Il suffit de regarder toutes ces publicités qui vous présentent systématiquement des couples racialement mixtes pour vendre de la banque ou des produits laitiers… Un métissage qui nous a d’abord été présenté comme un produit d’élite par l’avant-garde culturelle : c’est Les demoiselles d’Avignon de Picasso avec de l’art nègre pour régénérer la peinture occidentale, puis c’est le jazz, produit d’élite aussi, pour arriver à Yannick Noah gagnant Roland-Garros et enfin au Rap, où il n’est plus question d’un apport marginal extérieur, mais d’une injonction à l’abrutissement obligatoire, sous peine d’être condamné pour racisme !
R. : N’assistons-nous pas en occident au retour d’une problématique authentiquement raciale portée par la vague Black LivesMatter ?
A.S. : Comment le nier ? Mais Il faut bien voir que l’apologie du métissage n’est pas venue des noirs. Là où cette arrogance stupide et bestiale est la moins présente, paradoxalement, c’est en Afrique ! L’apologie du métissage est un discours, pour ne pas dire un complot, de la dominance blanche. C’est la clique à Georges Soros qui pousse le noir de base à l’arrogance, tandis que dans le même temps, la bourgeoisie noire, elle, fait tout pour être intégrée au monde de la dominance blanche, il suffit de regarder Obama ! “Blacks Lives Matter” n’existerait pas sans l’argent de Soros. Et Jamais les Black-Panthers n’auraient choisis pour héros, une épave comme George Floyd. Ce héros répugnant leur a été imposé, et pas pour les émanciper, mais pour bien les enfoncer dans leur statut de dominés. De dominés pouvant servir de force d’appoint à l’oligarchie blanche dans son combat contre le petit blanc, électeur de Trump…
R. : L’immigré d’aujourd’hui fait-il encore partie de l’armée de réserve du capital ?
A.S. : Le rôle du sous-prolétariat, aujourd’hui majoritairement immigré, n’est clairement plus de prendre la place du travailleur sur la chaine de montage, depuis longtemps délocalisée. Si l’on excepte les livreurs à vélo d’Uber, qui sont là pour livrer Amazon en attendant les drones, le rôle du migrant n’est plus de menacer l’emploi du travailleur de base, mais de le menacer tout court, dans son existence même. De ce point de vue, il est toujours une armée de réserve du Capital, mais désormais une armée de réserve au sens littéral du terme. Pour faire tenir tranquille et terroriser le natif paupérisé, le pouvoir dispose désormais du flash-bal de la police et du couteau du migrant… Soit un pouvoir qui, pour se maintenir, a clairement choisi le chaos, le choix d’un Dupont-Moretti de sang mêlé à la justice est un message clair, envoyé tant aux Français de souche qu’aux délinquants ethniques… Tout ça ne sent évidemment pas la gestion saine et sereine, mais plutôt le court terme d’élites en panique passées du parasitisme au pillage… Nicos Poulantzas, dans les années 1970, parlait du fatal retour de balancier. En 2021 on l’attend encore ! Mais ça ne veut pas dire qu’il ne viendra pas, c’est juste toujours plus long que prévu…
R. : Existe-t-il encore une communauté nationale en France si l’on en juge par le niveau de respect de l’espace public autant par les citoyens ordinaires que par les élites (voir sur Twitter #saccageparis par exemple) ?
A.S. : Comme je l’écris dans « Comprendre l’Époque », le niveau de citoyenneté d’un peuple, d’une nation, sa réalité au-delà des discours et des déclarations, se vérifie concrètement par le respect de l’espace public et du bien public. En Algérie, par exemple, quand vous êtes invités chez les gens, c’est impeccable. Il y a une fierté familiale à bien vous recevoir. En revanche, la rue, les équipements collectifs sont méprisés, dégradés, et les Algériens ne se sentent pas atteints dans leur honneur par cet état de fait. Leur sentiment de responsabilité ne va pas au-delà de l’espace familial. Et vous constatez exactement la même chose dans nos banlieues ! En Suisse au contraire, les gens vous réprimandent si vous jeter un papier dans la rue. Jeter un papier dans la rue, pour eux, c’est comme le jeter au milieu de leur salon ! L’immigration d’avec ces populations d’Afrique du nord et d’Afrique sub-saharienne, à une époque où il n’y a plus de travail à leur distribuer, est donc clairement, de la part de nos élites parasites et illégitimes, une volonté de dissolution du peuple et de destruction de la citoyenneté dans un but de domination. En fait, l’ensauvagement et le séparatisme est la stratégie et l’intérêt même de l’oligarchie. Il n’y a aucune raison objective et pratique pour que la France, cette vieille nation qui avait atteint, dans les années 1960 un si haut standard sur les plans culturels, techniques et économiques, soit prise, depuis les années 1980, dans cette spirale infernale de déchéance. Conclusion : il faut vraiment être bête, malhonnête et lâche pour ne pas être complotiste !
R. : Il semble bien que désormais la narration médiatique soit en rupture complète avec la réalité observable
A.S. : Il y a toujours une part de manipulation dans le discours médiatique de masse, j’ai été journaliste pendant des années, je peux en témoigner. Mais la part de manipulation n’était qu’une partie du discours. Une partie qui est allée grandissante depuis le milieu des années 1980, avec le virage libéral de Libération, du Monde, l’arrivée de Canal + et d’Arte, pour recouvrir aujourd’hui la totalité du réel. Si bien qu’il n’y a plus, je dis bien qu’il n’y a plus aucun rapport entre le discours médiatique aujourd’hui et la réalité ! On a d’ailleurs pu le vérifier avec le commentaire journalistique des dernières élections américaines et le traitement réservé à Donald Trump. Et on le constate chaque jour avec le narratif officiel sur la soi-disant pandémie Covid ! Aujourd’hui, réalité et commentaire médiatique sont deux droites parallèles qui se rejoignent… à l’infini !
R. : Que pensez-vous de cette idée selon laquelle le Nouvel Ordre Mondial serait une sorte de communisme 2.0 ?
A.S. : C’est une fois de plus vouloir exempter le Capital et sa logique et de ses responsabilités ! Voir dans la dérive oligarchique un complot communiste est une analyse et une remarque idiote de bourgeois de droite qui n’a pas compris le sens profond et économique du mot libéral. Ce que Marx qualifiait de « liberté du renard libre dans le poulailler libre » ! Les oligarques de Davos ne se sont pas convertis en douce au communisme et n’émanent pas du tout du mouvement ouvrier ! Au mieux, avec Soros, on a la marque de la société fabienne, soit le capital progressant sous un déguisement social. Son emblème étant d’ailleurs un loup recouvert d’une peau de mouton ! Ce qui a donné chez nous le Parti socialiste de Mitterrand… La réalité c’est que, comme l’annonçait Marx, la logique du Capital conduit, in fine, à un monopolisme totalitaire qui, en valeur absolue, ressemble beaucoup au totalitarisme soviétique. Avec l’actionnariat mêlé des différents complexes militaro-industriels, agro-alimentaires, pharmaco-chimiques et les fameux GAFA, dans le rôle du parti unique ! Sur l’effondrement du journalisme, non pas par sa soumission au communisme, aujourd’hui moribond – il suffit regarder l’état du journal L’Humanité – mais par sa soumission grandissante au Marché, j ‘ai publié en 2006 un roman intitulé « Chute ! », je vous encourage à le lire, vous verrez que ce processus totalitaire qui ne vient pas du tout du communisme, y est précisément décrit…
Plutôt que de vouloir placer sa camelote idéologique, afin de se sentir de droite ou de gauche, mieux vaut regarder lucidement les ressorts du réel, les forces en présence et les mécanismes à l’œuvre, oser se servir de tous les outils, ceux de Marx, de Maurras, d’Evola, quand on sent que ça fait sens… C’est ce que je m’efforce de faire dans mes écrits, dans « Comprendre l’Empire » hier comme dans « Comprendre l’Époque » aujourd’hui…
R. : Quels seraient selon vous les contours d’une résistance réussie à cette emprise oligarchique ?
A.S. : Déjà de sortir de cette stérile et superficielle opposition gauche / droite qui empêche l’union sacrée des opposants et des victimes du Système, qui empêche de réaliser la masse critique révolutionnaire… C’est pourquoi mon association proposait, et propose toujours, l’égalité et la réconciliation entre la « gauche du travail » et la « droite des valeurs ». Un projet politique d’ailleurs très français qui renvoie à Georges Sorel, au Cercle Proudhon, à Georges Valois, et dont le projet constant, si on y réfléchit bien, est de faire marcher ensemble la pensée de Marx et celle de Nietzsche… Mais pour citer aussi Carl Schmitt, je pense qu’on ne peut pas combattre un ennemi si on n’a pas d’abord le courage de le nommer. Et c’est d’abord ce courage qui manque… On peut d’ailleurs le comprendre, depuis les années 1950 et plus encore depuis les années 1980, nous vivons sous le règne terrorisant de Nuremberg… Dans ce contexte, oser nommer l’ennemi est l’acte révolutionnaire suprême… qui vous conduit assurément au Goulag ! Ce n’est pas du Marine ou du Mélenchon !
Pour le dire autrement : face à des maîtres du Capital qui ont conservé un projet collectif eschatologique, l’individu matérialiste bourgeois, avec son « moi je » et ses droits-de-l’homme se trouve fort démuni ! Comme je l’explique dans mon livre, nous, chrétiens laïcisés avons opposé historiquement les mathématiques appliquées à Dieu, tandis que nos dominants s’appuient toujours sur un Dieu qui est aussi maître mathématicien, c’est toute la différence. Une différence qu’avaient bien compris les jésuites ! Mais que pèsent les jésuites aujourd’hui ?
R. : Comment alors pourrait se produire le grand ménage?
A.S. : Par ce que Hegel et Marx appellent l’exacerbation des contradictions internes, j’espère ! Et sans recourir au concept, l’espoir aussi, face à un dysfonctionnement manifeste et de plus en plus mortifère, à l’animal instinct de survie. Très concrètement, la révolution devient possible quand la mère de famille cesse de dire à son mari, pris d’envies insurrectionnelles à force de brimades et d’humiliations « ne fais pas l’idiot, pense aux enfants », mais lui dit au contraire « va sur la barricade, la survie des enfants en dépend ». Il est là le moment de bascule, quand les femmes sont d’accord pour que les maris y aillent, parce que l’inaction plus sûrement encore que l’action signifie à terme le péril des gosses. Dans ces affaires de violence collective organisée, ce sont les hommes qui agissent, mais ce sont les femmes qui en ce sens, ont le dernier mot. Et dans les futures manifs de gilets jaunes, bloquées pour l’instant par l’arnaque du Covid (mais pour combien de temps ?), il ne faudra pas compter les jeunes, les jeunes sont des branleurs, il faudra compter les femmes. Les femmes c’est le vrai marqueur ! Et quand l’oligarchie déclare que demain sur les 7 milliards d’habitants, il ne devra plus en rester qu’un, parce qu’avec le progrès technique, cette hyperclasse parasite sans âme et sans cœur n’a plus besoin que d’un milliard d’exécutants, et que les autres sont pour eux des bouches qu’on a plus de raison de nourrir et donc forcément à terme, des menaces… Ce Grand Reset signifie bien, au-delà de l’habillage new-age, éliminer d’une façon ou d’une autre 6 humains sur 7. Et 6 milliards de terriens ça fait beaucoup d’enfants. Il est bien sûr facile pour des pervers qui méprisent l’humanité souffrante, de pousser les hommes à s’entretuer… Mais tous les humains se lèvent d’instinct pour protéger leurs progéniture menacée, et prétendre éliminer 6 milliards d’humains demain, c’est vouloir tuer beaucoup d’enfants… On va donc bien finir par arriver à un eux ou nous radical…
R. : Y aurait-il un de ces films de science-fiction (Bladerunner, Soleil vert, Elysium, Idiocracy, Minority report, …) qui aurait particulièrement retenu votre attention ?
A.S. : Ils ont tous un élément au moins de cruelle vérité : M-Ka Ultra, eugénisme, homme augmenté, robotique, monopolisme, métissage généralisé, corruption, drogue et délinquance… Tous sont dystopiques et nous montrent un monde triste, violent et inégalitaire qui ressemble bien plus à ce que nous propose aujourd’hui la Californie de Joe Biden qu’un quelconque impérialisme chinois ou un retour à l’URSS… Notez-bien qu’aucun de ces films de science-fiction, produits par Hollywood, ne nous montre un futur radieux dû au progrès technologique, comme dans les romans de Jules Verne au temps de l’optimisme positiviste. Comme si ces films, produits aussi par les maîtres du Capital, avaient pour fonction de nous habituer à cet avenir sordide, à nous le faire admettre comme inéluctable…
R. : Vous venez de publier un livre que vous présentez comme votre « autobiographie du concept ». Les anglais parleraient d’une « sequel » philosophique de « Comprendre l’empire ». Quelle était votre intention lorsque vous vous êtes mis à l’écriture de « Comprendre l’époque » ?
A.S. : « Comprendre l’Empire » était plutôt un essai historico-politique, « Comprendre l’Époque » est son nécessaire pendant philosophique. A eux deux, ces deux essais constituent une totalité. Je suis en penseur totalitaire, je ne m’en cache pas ! Depuis Comprendre l’Empire, qui était une somme, j’ai continué à réfléchir, à prendre des notes – notes que la police m’a saisies avec tous mes cahiers, mes ordinateurs, lors de l’illégale perquisition qu’ils ont montée contre moi ! Qu’importe, comme Sade j’ai d’abord pleuré des larmes de sang, puis rapidement, ce vol a renforcé ma détermination à écrire… ce livre, justement. J’ai d’abord pensé à un abécédaire – j’en ai déjà pondu deux – où j’aurais laissé les textes voisinés entre eux par le hasard souvent fécond du classement alphabétique. Et puis j’ai senti qu’il y avait moyen de faire mieux, qu’un plan d’ensemble se dégageait, que toutes ses idées avaient tendance à s’articuler, à se classer par ordre chronologique, par ordre d’importance… Penser c’est toujours ordonner, mettre l’avant avant l’après, le principal avant le secondaire…
J’ai donc beaucoup travaillé le plan, la succession logique des chapitres… Puis à l’intérieur de chaque chapitre, la succession logique des textes que je me suis efforcé, comme dans « Comprendre l’Empire », de rédiger le plus clairement et le plus brièvement possible, afin d’éviter tout jargonnage. Sauf quand ce jargonnage est au service de l’humour, pour le dénoncer justement ! Ce livre a donc un thème : l’histoire de l’égalité, son pourquoi ? son comment ?… Mais il prétend être aussi, au-delà de son sujet même, une leçon de penser. Montrer ce qu’est développer une pensée ; qu’une pensée ce n’est pas juste avoir des idées, des intuitions, faire des phrases, comme veulent nous le faire croire aujourd’hui les Finkielkraut, les Onfray, les Zemmour qui, au sens classique, au sens sérieux du terme, ne sont pas des penseurs… Dans cet ordre d’idée, l’effondrement de la pensée française y est aussi abordée, de l’idéologie du désir 68, au déconstructionnisme, puis aux nouveaux philosophes qui marquent la liquidation française de la philosophie… Ce moment où la bourgeoisie, classe de l’idée, se sépare de l’idée pour ne plus régner que par le mensonge et la violence : la situation d’aujourd’hui.
R. : La Raison dîtes-vous a une dimension intrinsèquement égalitaire et pourtant, l’égalitarisme conduit à la destruction de la pensée. Comment expliquer ce paradoxe ?
A.S. : L’égalité arrive forcément avec la Raison. Comme je le démontre dans le livre, la Raison est intrinsèquement égalitaire, c’est le monde du quantitatif contre le monde de la différence qualitative propre à la Tradition, la fin du règne du deux poids, deux mesures…. Ce n’est pas contingent si les Encyclopédistes sont d’abord des mathématiciens qui appliquent l’outil mathématique à tous les domaines : sciences de la nature d’abord puis idéologie politique… Et si leur influence culmine par la Révolution française, révolution par laquelle la bourgeoisie prend le pouvoir au nom de la raison égalitaire, l’axiomatique des droits de l’homme… Mais ce pouvoir bourgeois pris au nom de l’égalité formelle, conduit très vite, dans le réel, à la nouvelle inégalité sociale du monde bourgeois. Et la bourgeoisie, progressivement, se voir d’abord contrainte d’expliquer cette inégalité par la Raison, puis d’abandonner une raison intenable qui, de plus en plus, vient contredire sa propre domination. Ainsi, historiquement, la bourgeoisie est d’abord la classe de la conquête du pouvoir par la raison égalitaire pour devenir, in fine, la classe de la destruction de cette même raison pour se maintenir au pouvoir. D’abord l’égalitarisme formel des droits de l’homme, puis l’égalitarisme mensonger de la démocratie parlementaire et enfin l’égalitarisme fou du LGBTIsme et de l’animalisme ! Après la promesse puis le mensonge, le chaos ! Dans la réalité comme dans le livre, c’est bien sûr encore plus complexe, philosophiquement ça passe par Kant, par Hegel, par Marx, par Nietzsche, par Husserl, mais en gros, c’est ça !
R. : Dans cet écheveau de mensonges égalitaires, sommes-nous perpétuellement condamnés au « règne de la quantité »?
A.S. : La modernité a durablement chassé du monde le principe aristocratique. L’inégalité règne donc en douce, honteuse et menteuse, tandis que le réel impose partout une évidence hiérarchique, que ce soit dans le monde animal, celui de la culture ou de l’entreprise…
Dans notre monde, cette contradiction entre aspiration à l’égalité, synonyme de justice, et impératif hiérarchique a été humainement résolu par la proposition du Christ, sa « loi naturelle » où la nécessité hiérarchique est tempérée, moralisée par le souci de l’autre, la compassion, le « aimer vous les uns les autres ». Dans le livre, je démontre que ce chemin d’égalité, qui est tout autre que l’égalité formelle issu de la raison mathématique et qui conduit au pouvoir technocratique, puise son origine dans la double composante de l’intelligence humaine, affective et cognitive, et que c’est de l’effacement de cette dimension de l’intelligence et du message du Christ que provient notre descente vers ce monde qui semble de plus en plus dominé par le diable… Sans renier Marx, je me retrouve donc radicalement chrétien en passant par le thomisme et Piaget ! L’homme, qui a été chassé du jardin d’Éden parce qu’il a mordu la pomme qui est le fruit de l’arbre de connaissance, a pu ainsi développer ses potentialités de puissance par la maîtrise des mathématiques appliquées. Mais s’il oublie, dans ce processus de puissance, le souci de l’autre, il va à sa propre destruction collective. C’est là que l’on comprend que la parole d’amour du Christ est aussi la Raison incarnée, le Logos…
R. : Vous assignez à la France une sorte de destinée manifeste. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
A.S. : Déjà, parce que je suis Français et qu’on a toujours tendance à voir midi à sa porte ! Aussi parce que la France a inventé ce processus égalitaire basé sur cette double culture grecque et chrétienne, la logique d’Aristote et la charité du Christ qui fondent l’humanisme français, nos valeurs helléno-chrétiennes… Nous avons donc, dans ce combat à mener contre la bête, la bête judéo-anglo-saxonne du tout puissant Marché, un rôle fondamental d’opposant historique à jouer. N’oublions pas que la France est aussi la fille ainée de l’Église ! Comme je l’écris à la fin du livre : « fille ainée de l’Église et mère des révolutions, patrie du cœur et des idées » donc « en première ligne une fois encore pour y jouer son rôle et y tenir son rang » !
Propos recueillis par Thierry Thodinor
Source : Rivarol n°3469, page 8, 28/04/2021